Hommage à Xavier Gouyou Beauchamps


Hommage à Xavier Gouyou Beauchamps

Message de Michel Boyon

lu par Patrick Gouyou Beauchamps

Paris, église Saint-Roch

Le 22 janvier 2019

Xavier,

C’est ton fils Patrick qui est le porteur de ce message que je t’adresse. En ce

moment même, je suis présent à la cérémonie du départ de mon frère

Jacques. Quelques heures après lui, toi mon frère spirituel, tu nous as aussi

quittés.

C’est parce que nous avons chevauché ensemble depuis plus de trente ans

que j’ai écrit ces quelques mots. J’associe dans toutes mes pensées Marc,

Patrick et Tania. Je pense aussi à Annick et à Geneviève, que tu vas

rejoindre.

Tu as consacré ta vie professionnelle à la cause de l’État, du service public

et des médias. Ce n’était pas si prévisible. À la sortie de l’ENA, tu as été

affecté auprès du préfet, à Orléans. Avec ta casquette plantée sur ta célèbre

chevelure luxuriante, tu tranchais dans le monde préfectoral ; drôlement, tu

t’es défini ainsi : « un wattman aux allures de Beatles », j’aurais plutôt dit :

« un Beatles aux allures de wattman » !

Xavier avait pour grande fierté d’avoir été le proche collaborateur du

Président Valéry Giscard d’Estaing depuis le ministère de l’économie et des

finances jusqu’à l’Élysée. Sa fonction de porte-parole du Président a donné

la marque définitive de son parcours : celui d’un grand dirigeant

d’entreprises audiovisuelles, d’un esprit d’une haute créativité, d’un homme

qui ne transigeait pas avec les valeurs.

La liste des entreprises audiovisuelles que tu as dirigées, Xavier, est

impressionnante. À TDF, tu as donné un formidable élan de modernisation et

de préparation aux bouleversements technologiques. À la direction générale

de France 3, puis à la présidence de France Télévisions, tu as appris à tes

équipes à concevoir et réaliser ensemble ce qui était nécessaire aux

missions du service public. Tu as organisé l’installation du siège édifié au

bord de la Seine. Tu as renforcé l’esprit de rigueur dans la gestion. Tu as fait

prévaloir un climat de confiance réciproque, un esprit de dialogue dans les

relations sociales. À ton départ de France Télévisions, la personnalité du

groupe était définitivement établie.

Mais Xavier, ce fut aussi la Sofirad dont il développa les implantations

internationales au Gabon avec Africa n° 1 et au Maroc avec Medi 1. Car sa

curiosité d’esprit avait fortifié une attirance particulière pour les cultures

d’ailleurs et les coopérations internationales. Je suis très fier de lui avoir

succédé à la présidence de l’association franco-italienne Eurovisioni.

Grand dirigeant d’entreprises audiovisuelles, donc, mais aussi esprit d’une

haute créativité. En 1986, François Léotard, ministre de la culture et de la

communication, dont je dirigeais le cabinet, nous avait tous les deux chargés

de préparer une loi relative à la liberté de communication, qui mettrait fin à

des décennies d’étatisme et de centralisation. Xavier s’entretenait avec de

nombreuses personnalités politiques, travaillait en étroite confiance avec les

administrations, recevait à longueur de journées et de nuits les

professionnels de toutes spécialités et les partenaires sociaux. Il avait fait de

son bureau un véritable laboratoire d’idées, où l’atmosphère studieuse

n’était troublée que par ses mémorables coups de gueule. Ainsi naquit la

fameuse loi du 30 septembre 1986 qui, au-delà des modifications exigées

par les évolutions technologiques, demeure le socle de l’audiovisuel

français.

Mais, Xavier, tu ne fus pas qu’un législateur et un administrateur fort

imaginatif. Ta créativité imprimait le coeur même de toutes tes activités. Le

lancement du bouquet TPS, de la chaîne Histoire, de la chaîne Mezzo,

portaient ta marque. Tu t’es intéressé tout autant aux programmes qu’à

l’administration de tes entreprises, aux défis techniques ou à la prospective.

C’est grâce à toi que sont nées des émissions phares comme « Mots

croisés » sur France 2 ou « Des racines et des ailes » sur France 3.

Cette personnalité à l’abord impressionnant, à l’oeil pétillant de malice, à

l’humour aiguisé mais toujours bienveillant, au rire inimitable, ne transigeait

pas avec les valeurs. Au premier rang, les valeurs du coeur : une loyauté et

une fidélité sans faille, une détermination et un courage exemplaires, une

simplicité et une bienveillance admirées par tous. C’était le sens de son

élégance.

Xavier, être ton ami était un privilège. Chacun de ceux qui ont croisé ton

chemin, oeuvré à tes côtés, partagé avec toi des moments de vie, en reste

marqué pour toujours. Laisse-nous t’exprimer tout notre respect, toute notre

reconnaissance et toute notre fierté.

Au revoir, Xavier, mon frère. Notre complicité va me manquer.