Hervé Bourges (nécrologie)
Personnage majeur de l’audiovisuel français Hervé Bourges est mort à Paris à l’âge de 86 ans le 23 février 2020. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas cessé d’être sur le devant de la scène, politique et médiatique, depuis les années soixante.
Rédacteur en chef à 23 ans d’un journal qui a marqué son temps, « Témoignage Chrétien », le journaliste s’engage dès son retour de conscription dans la lutte anticolonialiste. Principal collaborateur du premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella, il reste, toute sa vie, passionné par l’Afrique du Nord puis surtout par cette Afrique indépendante qui nait, sous ses yeux, après la fin, engagée par le général de Gaulle, de l’Empire colonial français.
Sa deuxième vie, ce sera évidemment l’audiovisuel et les médias. François Mitterrand, qui ne connaissait pas Bourges à l’époque, n’est pour rien dans son entrée dans le monde audiovisuel et sa première nomination, en 1981, comme directeur général de Radio France internationale fut l’oeuvre de notre amie Michèle Cotta présidente de Radio France à l’époque.
Il ne faudra pas longtemps à Hervé Bourges pour mettre tout le monde dans sa poche.
Derrière une image dénoncée par certains comme radicale, en réalité beaucoup plus ronde, il s’est toujours gardé d’appartenir à aucun parti, ayant toujours pensé, même à Yaoundé, que l’indépendance des médias était inséparable de la démocratie
Sa conviction de la complémentarité des cultures, affirmant comme Léopold Sédar Senghor « l’avenir de l’humanité est dans le métissage culturel. » Ou dénonçant comme Jacques Chirac en 2006 « la prétention déraisonnable et inacceptable de l’occident à porter en lui seul le destin de l’humanité. »
Sa volonté, concernant plus spécifiquement l’audiovisuel public, de faire une télévision adaptée aux Français tels qu’ils sont, et non tels qu’on pense qu’ils devraient être. Une télévision populaire et de qualité, cela a été son slogan. On n’a pas oublié la première diffusion de « Santa Barbara » en France. Tout le monde était contre, sauf les téléspectateurs. Ce qui n’a pas empêché la série de Claude Santelli, « l’Ami Maupassant » de trouver sa place sur TF1 et Pierre Grimblat de s’en faire une avec « Série Noire ».
Devenu un grand patron du petit écran, il ne va pas changer non plus de façon de diriger. A TF1 (1983-1987), privatisée par un gouvernement soucieux de se débarrasser de lui. Puis à Radio Monte Carlo… Il entreprendra (1990-1994) de regrouper les chaînes publiques Antenne 2 et FR 3 au sein de la première ébauche de France Télévision. Début 1995, il devient président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. C’est dans les locaux du CSA qu’il accueille les travaux de l’association Eurovisioni une année où la Villa Médicis avait fait défaut.
Sa manière était celle de la concertation permanente, de la palabre africaine, comme lui disaient en souriant ses amis, avec les partenaires de l’audiovisuel. Avec ses proches, il était fraternel.
Il était surtout d’une lucidité sans égale. A l’égard de notre profession : « La télévision rend fous même ceux qui n’ont pas de génie. »
Et de lui-même surtout.
« J’ai traversé, écrit-il dans ses « Mémoires d’éléphant » en 2000, des moments de total isolement, et d’autres où j’étais très entouré, des moments de doute et d’autres où j’étais trop sûr de moi, des moments de courage, coupés d’instants de lâcheté ou de résignation. J’ai probablement une nature double, deux visages entre lesquels j’oscille, soutenant l’un par l’autre, agissant par instinct. »
(texte rédigé par Martin Even, étroit collaborateur de Hervé Bourges à France Télévisions et au CSA)